Le valoctocogène roxaparvovec est une thérapie génique expérimentale (virus adénoassocié [AAV] délivrant le gène du facteur VIII délété du domaine B) en cours de développement par BioMarin pour le traitement de l’hémophilie A. Cent trente-quatre patients ont reçu le traitement dans l’étude clinique de phase III de BioMarin. Dans l’étude clinique de phase I/II en cours, dont le recrutement s’est terminé en 2017, 15 patients sont toujours suivis selon les recommandations des autorités réglementaires.
« Événement indésirable grave » (EIG) est le terme utilisé pour décrire la survenue d’un problème de santé grave au cours d’une étude, que le traitement expérimental en soit ou non à l’origine.
En février 2022, au cours du congrès de l’EAHAD, le docteur Johnny Mahlangu a fait état d’un seul événement indésirable grave chez l’un des participants à l’étude de phase I/II ayant reçu la thérapie génique il y a plus de cinq ans. En novembre 2021, une grosseur est apparue chez ce participant, au niveau du cou, diagnostiquée ultérieurement comme cancer de la glande salivaire. La masse cancéreuse a été retirée et le patient placé sous surveillance. L’investigateur de l’étude a jugé l’EIG comme non lié au traitement et l’a signalé comme tel.
Un comité composé de l’équipe de l’étude de BioMarin, de l’investigateur de l’étude, d’un comité d’experts indépendant qui procède à la surveillance régulière de l’étude (comité de surveillance des données ou DMC) et d’autres experts médicaux et scientifiques ont examiné l’EIG et l’ont communiqué aux autorités réglementaires. Au moment de l’annonce, l’EIG n’était pas suspecté comme étant lié au valoctocogène roxaparvovec. BioMarin a alors entrepris une analyse génomique à partir d’un échantillon de tissu contenant la masse.
Fin avril, BioMarin a annoncé les conclusions de cette analyse génomique : « les résultats ont montré un schéma d’intégration comparable entre tissus sains et tumoraux, sans qu’émerge la preuve que l’intégration du vecteur ait contribué à la masse de la glande salivaire ». Les données seront présentées pour discussion le lundi 9 mai de 13 h 30 à 14 h 30 lors de la session sur les recherches cliniques récentes du World Congress 2022 de la Fédération mondiale de l’hémophilie.
BioMarin a aussi communiqué ces données à l’Agence européenne des médicaments (EMA) et à la Food and Drug Administration (FDA) dans le cadre de la revue continue de la demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’une part et du renouvellement de la demande de licence de produit biologique (Biologics License Application, BLA) d’autre part.
Il s’agit du troisième signalement de cancer chez les participants à un essai de thérapie génique dans l’hémophilie. Il a été fait état d’un cancer dans l’essai FIX Hope-B (Déclaration de l’EHC, Déclaration de la NHF, Déclaration de la FMH), chez un patient de sexe masculin présentant plusieurs facteurs de risque associés au développement d’un cancer hépatique. Ces facteurs comprenaient des antécédents d’hépatite C (traitée avant le recrutement), l’exposition au virus de l’hépatite B, des preuves de stéatose hépatique non alcoolique et un âge avancé. Après analyse d’une biopsie pour l’intégration du système de délivrance du gène thérapeutique (génome du vecteur AAV) dans les cellules, aucune différence n’a été constatée entre les tissus hépatiques sains et cancéreux. Un cancer des amygdales a aussi été signalé par la docteure Barbara Konkle dans un article sur l’essai BAX-335 (AAV-facteur IX), publié dans la revue blood, où aucune intégration du génome du vecteur AAV n’a été trouvée dans les tissus du cancer des amygdales et il a été considéré que l’événement était sans lien avec la thérapie génique.
Le risque de cancer est en général au centre de l’attention de toutes les thérapies géniques. La FMH, l’EHC et la NHF, au nom de la communauté des patients, restent vigilants et insistent sur le passage au crible et l’examen de chacun des EIG dans ces thérapies, comme dans toutes. Cela contribue à garantir la sécurité future de ces traitements qui peuvent changer la vie. Tout en faisant preuve de vigilance, nous devons également rester conscients du risque de base de cancer dans la population générale, y compris chez les personnes atteintes de troubles de la coagulation. Outre le risque d’une forme de cancer dans la population générale, il existe par ailleurs un risque accru de cancer du foie, comme indiqué par l’European Haemophilia Safety Surveillance System (EUHASS), chez les patients atteints d’hémophilie ayant des antécédents de VIH et d’hépatite C ou B. Nous devons continuer à demander aux investigateurs, aux cliniciens, aux entreprises et aux autorités réglementaires de poursuivre leurs efforts pour distinguer un EIG d’un risque de base général de la manière la plus opportune possible de sorte que les patients puissent prendre les décisions concernant les futurs traitements sur la base de l’ensemble des preuves disponibles.
La surveillance des problèmes de sécurité pour une technologie nouvelle comme la thérapie génique est essentielle pour notre communauté. À cette fin, le Registre de la thérapie génique est en cours de développement pour enregistrer la plupart ou l’ensemble des patients recevant une thérapie génique à mesure que ces produits sont autorisés.
Les trois organisations continueront à surveiller et à communiquer tous les événements liés à la sécurité dans tous les domaines thérapeutiques relevant de notre communauté de patients.